Dieu n’est pas tout puissant. Mais il lutte contre la matière comme le sage lutte contre son corps.
Ton Dieu, s’il existe, aime mieux les bons que les méchants. Pourquoi voyons-nous les méchants plus heureux que les bons ?
Ô Serenus, si Épicure t’entendait, il te renierait pour son disciple. Quelle conception basse tu te fais du bonheur en ce moment !
Épicure ne me renierait point. Car le bonheur dont jouit le sage est l’œuvre du sage. Mais les biens extérieurs, qui seuls dépendent de tes dieux, pourquoi les donnent-ils aux méchants plutôt qu’aux bons ? Voilà le partage inexplicable, si on admet une Providence. Il est mieux de croire que toutes choses vont au hasard. Mais les méchants ont plus de richesses parce qu’ils ne songent qu’aux richesses et parce que, aucun scrupule et aucune pudeur ne retenant leurs mains, ils en prennent plus que les autres.
Les choses indifférentes dont tu parles vont en effet au hasard.
Alors à quoi sert ta Providence ?
Ô présomptueux ! Tu exiges que mes dieux soient moins sages que toi ; et les choses indifférentes que nous méprisons, tu veux que la Providence, semblable au vulgaire, les tienne en estime.