Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/78

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ridicule aux yeux du vulgaire. Mais encore ils ne peuvent toucher un argument sans le rendre inepte. Midas, le roi aux longues oreilles, transformait en or ce qu’il touchait. Ce riche aux oreilles longues transforme en boue l’or qu’il touche.


arrien

L’or n’est que de la boue en puissance. Il est lourd des voluptés, des bassesses et des crimes d’hier. Il est gros des débauches, des avilissements et des forfaits de demain. Et n’importe quel homme, le sage excepté, est un accoucheur qui fait enfanter à l’or tous les miasmes, toutes les fièvres, toutes les pestes.


serenus

Nous sommes d’accord, Arrien, quoique ton âpreté me paraisse puérile. Mais tes paroles manquent d’à propos et ne répondent point à ce que je disais. Je lamentais qu’un argument solide et riche devînt aux mains d’un imbécile je ne sais quelle pauvreté sordide et informe. Je m’irritais parce que la vérité traduite par Porcus est un bruit ridicule, comme un vers de l’Iliade qu’un âne essaierait de braire. Ce nigaud, avec sa pituite, t’a permis de le railler ; et tu crois maintenant avoir triomphé d’Épicure et démontré la Providence. Tu te trompes, Arrien. Une victoire matérielle sur un Thersite n’offre aucune gloire ; non plus une victoire philosophique sur un Porcus. César lui-même, le risible vainqueur des Cattes, n’organise pas un triomphe quand il a tué une mouche.


arrien

Que veux-tu dire ?


serenus

La pituite de Porcus est un petit désagrément ridicule. Mais pourquoi le mal existe-t-il ? S’il y a une Providence toute bonne et toute puissante, pourquoi le bien ne règne-t-il pas ? Pourquoi les maladies ? pourquoi la mort ? pourquoi les crimes ?