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Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/83

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lement à son heure. À l’approche et à la retraite du soleil, quand la lune croît ou décroit, la face de la nature change. Puis donc que toutes les choses de ce monde et nos corps même sont si liés et si unis avec le tout, comment peux-tu imaginer que notre âme, bien plus divine que cet univers visible, en soit seule détachée et qu’elle ne soit pas unie et liée avec la divinité qui l’a créée ?


serenus

Mais comment peut-on voir en même temps toutes ces choses si différentes et si éloignées ?


épictète

Combien d’opérations différentes ton esprit et le mien, qui ont des bornes si étroites, ne font-ils point ? Ton esprit embrasse les choses divines et les choses humaines ; il raisonne, il divise, il juge, il consent, il nie. Combien d’images différentes, combien d’idées contraires ne renferme-t-il pas ? Quand tu me réponds, ton esprit contient tout ensemble ta pensée et la mienne… Le soleil éclaire en même temps une grande partie du monde. Et celui qui a fait le soleil n’éclairera pas la terre entière ?


serenus

Mais mon esprit ne fait ses opérations que successivement et considère les objets l’un après l’autre.


épictète

Peut-être. Mais qui t’a dit que ton esprit fût aussi étendu que la divinité même ? Considère pourtant combien d’objets ton œil embrasse à la fois. Tout ce qui est devant toi jusqu’à l’horizon, tu le vois en cet instant. Et quelque chose pourrait se dérober à celui qui a fait ton œil si petit et ton regard si grand. Juges-en toi-même.


serenus

N’importe. Il est impossible de comprendre qu’on puisse voir