Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/18

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çante et haletante de lents mouvements, à je ne sais quelles bêtes monstrueuses !…

Palinurus. — Que dit-il ?

Tous. — Ecoutons. Ecoutons.

Stalagmus. — Les artisans ne travaillent plus chez eux ou dans les maisons ordinaires. Ils s’assemblent nombreux dans les étables de ces outils énormes, presque vivants, qui se meuvent presque seuls. Autour des machines fantastiques, les ouvriers guettent anxieusement la minute où il faut y toucher pour régler les besognes. Parfois, d’une révolte sournoise, l’outil saisit l’ouvrier, l’entraîne, le tue. Les grandes bêtes de métal coûtent très cher. Nul artisan ne pourrait les acheter.

Palinurus. — Impossible cauchemar !

Stalagmus. — Le maître des outils fait travailler les ouvriers, et il ne les nourrit point. Il leur donne un peu d’argent pour qu’ils ne meurent pas tout à fait.

Sostrata. — Et, sans doute, les soldats les ramènent de force, quand ils s’enfuient de chez le maître méchant ?

Stalagmus. — Agnès, j’entends le maître parler à un de tes fils, à un vieillard. « Va-t’en, lui dit-il, va-t’en. » Mais l’ouvrier se jette à genoux : « Tu désires donc que je meure de faim ? Aie pitié, sinon de moi, du moins de ma femme et de mes enfants. »

Sostrata. — Que répond le maître des outils ?

Stalagmus. — Le maître des outils repousse le vieillard, qui s’en va désespéré. J’entends le fils d’Agnès. Il murmure parmi des sanglots : « Les maîtres d’autrefois nourrissaient leurs esclaves ! » Et des larmes couvrent ses joues parce que notre sort lui paraît digne d’envie.

Agnès. — Ses frères ne l’aiment donc point, ne le secourent donc point ?

Stalagmus. — Je le vois tendre la main aux passants et pleurer pour avoir une obole. Il s’adresse à un prêtre.

Agnès. — 0 joie ! il est sauvé !

Stalagmus. — Le prêtre auquel il s’adresse appelle un licteur qui entraîne ton fils vers la prison.

Agnès. — Comment te croirais-je ? Tu inventes des temps impos-