Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/32

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— C'est toi, mon Antisthène, qui premier as osé écrire nettement cette vérité, — la plus utile des vérités, si jamais les peuples la peuvent entendre — que tout homme d'état est un malfaiteur. Premier tu as osé écrire cette vérité difficile que la richesse et la puissance données à leur patrie par les plus vantés des politiques sont des présents funestes. Et comme tu as rendu sensible cette vérité difficile en comparant ingénieusement ces biens apparents et éblouissants à la toison d'or ! De même que la possession de la toison d'or déchaîna entre Thyeste et Atrée une lutte fratricide et entraîna pour leur descendance des crimes nombreux et de nombreux malheurs, de même tu as vu admirablement...

Mais j'interrompis Gorgias d'un geste qui demande grâce et je dis :

— Sathon ne fait tort aujourd'hui qu'à toi et à notre ami Polos. Car, pour Calliclès, je lui ai entendu dire, en effet, plusieurs des folies et des violences que Sathon met sur ses lèvres. Mais, lorsque Sathon écrit, sans me nommer, des choses que j'ai écrites avant lui il ne commet nulle injustice : chacun a le droit de répéter en nommant le seul Socrate des paroles que Socrate a dites non pour moi, mais pour tous.

— Peut-être, dit Gorgias. Mais Sathon parle au hasard. Demain il prêtera à Socrate des discours contraires à ceux qu'il répète aujourd'hui. Dans le plaisir, qu'il méprise aujourd'hui comme Socrate ou comme un cynique, combien de fois l'ai-je entendu vanter un élément nécessaire du bonheur. Et ces hommes d'état, qu'il méprise aujourd'hui comme Socrate ou comme un cynique, je l'ai entendu les louer