Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/65

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— J'ai les bras plus larges que tu ne crois, ô Socrate, et j'ai l'œil plus attentif. Rien ne se perdra de ce que je porte. Et les fruits resteront plus frais que si je les portais seuls. Peut-être aussi ce que tu appelles stérile est à ma bouche le fruit le plus savoureux.

Le maître secouait, devant tant d'obstination et d'orgueil, une tête mécontente.

— Mets-moi à l'épreuve, continua Sathon. Mieux que tout autre, je sais manier tes méthodes. Mon ironie peut vaincre Calliclès ou Gorgias. Ma maïeutique peut découvrir dans l'âme d'un ignorant des connaissances même que tu n'y crois pas enfouies.

— Euclide déjà a étudié mes méthodes, non sa vérité. Euclide déjà a pris le moyen qui me sert à enseigner pour le but vers quoi marche mon enseignement. Euclide et toi n'êtes-vous pas des hommes venus chez un forgeron de charrues et qui, ayant appris de lui ce qu'il leur pouvait apprendre, se servent de leur science pour forger des épées ?

— L'épée est plus noble que la charrue.

— Tuer te semble plus noble que nourrir ? Le mal te semble plus noble que le bien ?

— Je veux tuer le mal seulement. Je veux tuer ceux qui ravagent les moissons semées par mes esclaves.

— Et tu ne ravageras jamais les moissons des Lacédémoniens ?

— J'espère ravager leurs campagnes plus qu'ils ne ravagent les miennes.

— Un mal qui s'ajoute à un autre mal te semble le réparer ?