Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/64

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instrument et quelles sont l'étendue et les limites de sa puissance. Ou ne crois-tu pas que ce soit là ce que veut dire Phidias ?

— Tu as parfaitement expliqué, Socrate, les conseils de Phidias. Mais le philosophe...

— Mon Platon, je suis un vieux sculpteur qui conseille un jeune sculpteur. 0 Platon, sculpteur de ton propre bonheur, écoute-moi trois fois et comprends-moi trois fois. Car tu es tout ensemble l'ouvrier, la matière à travailler, l'instrument qui travaille. C'est pourquoi je ne te donne pas trois conseils, comme Phidias, mais trois fois le même conseil : « Connais-toi toi-même. » Or la connaissance dont je parle est une connaissance possible et non trompeuse, utile et uniquement pratique.

— Pourquoi me refuses-tu, Socrate, une part de mes richesses ?

— Les richesses que tu songes te font négliger, te font perdre les biens réels.

Or Sathon le présomptueux affirma :

— Je possède les richesses que tu me veux et, avec elles, mille richesse que tu as tort de mépriser. Les unes ne me font point perdre les autres. Plus mon trésor est grand, mieux je le garde.

— Enfant ! tu veux porter, outre les fruits nourriciers, les rameaux inutiles et les feuilles inutiles. Tu te charges au-delà de tes forces. Tes bras étreignent mal le trésor mêlé. Avant que tu sois arrivé au lieu du repas, les secousses de ta marche alourdie auront semé le long de la route tous les fruits. Et tu pleureras devant ton trésor stérile de feuilles et de branches.