Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/67

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incertain, il bondit en arrière, s'éloignant de la force redoutable de Socrate.

On m'a conté depuis que Socrate ne cessa pas un instant de sourire, et que nulle rougeur ne colora son front, et que nulle pâleur n'envahit son visage.

Je connais ces choses parce qu'on me les a contées. Car je ne voyais plus Socrate.

Je m'étais précipité sur le bouffon chauve et je le serrais à la gorge.

Mais les mains puissantes de Socrate saisirent mes mains, desserrèrent mon étreinte.

Je pleurais de rage et de honte. Pourtant je dis :

— Maître, tu as raison. Traînons cet homme, ou plutôt cette ordure, devant les magistrats.

Socrate eut le grand rire qui parfois ouvrait sa large bouche jusqu'à paraître diviser en deux éclats son visage. Puis il s'écria :

— Ainsi, mon Antisthène, si un âne te frappe de son sabot, tu te demanderas s'il vaut mieux ruer à ton tour contre lui ou le traîner devant un tribunal ?

— Non. C'est au maître que je m'en prendrai.

— Dis-moi donc quel, est le maître de l'âne Aristophane, et je verrai ce que j'ai à faire.

Je me taisais et tous se taisaient. Aristophane s'éloignait, rouge de plus de fureur et de honte que s'il avait été puni par des coups ou par une amende.

Mais, étant rentré en sa maison, il commença d'écrire la fameuse comédie intitulée Les Nuées. Car il était de ceux qui se vengent du mal qu'ils ont fait ou voulu faire ; il était de ces insensés à qui la honte fait commettre de nouvelles sottises ; il était de ces ânes qui ruent des deux pieds.