Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/89

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demandait point, mais il refusait, celui qu'on lui offrait.

Aristippe, attiré par la réputation de Socrate, était venu de Cyrène à Athènes afin de l'écouter. Il avait l'intention d'enseigner plus tard en se faisant payer. Ce vil ami de la volupté a réalisé son intention : il prend de l'argent à ses disciples afin de pouvoir donner de l'argent aux courtisanes et aux marchands de poisson. Il crut donc juste d'en envoyer à Socrate. Ou plutôt ce geste lui parut avantageux comme le geste de l'homme qui, voulant récolter à l'automne, sème au printemps. Sans doute, le maître, bien payé, lui révélerait des secrets plus efficaces, des méthodes de persuasion plus invincibles. Un esclave vint de sa part apporter vingt mines [1] à Socrate. Mais le philosophe refusa de rien prendre, disant que le dieu de Socrate lui interdisait d'accepter aucun argent.

Le lendemain, Aristippe s'étonna. Selon sa coutume, il parla avec une grâce rieuse, comme une femme qui ne sait pas bien si elle joue ou si elle essaie de se faire aimer.

— Socrate, ton bonheur est grand que je ne sois pas citoyen d'Athènes.

Socrate devina sans peine quelle plaisanterie commençait. Or il se prêtait volontiers à de tels jeux, dans l'espoir d'en tirer quelque enseignement et aussi, je crois, parce que la nature l'avait fait joueur. Il dit, plus souriant qu'Aristippe lui-même —

  1. Environ deux mille francs de notre monnaie (Note du traducteur.)