Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/193

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Le poète, abandonné d’une infidèle, songe

Dans sa chambre déserte où survit le Passé.

Il écoute la nuit,

Un silence peuplé de mille bruits légers.

Et voici que son attention persistante donne, en effet, au silence une voix. La Nuit, dans un discours d’une beauté lente et d’une douceur qui apaise, lui offre le remède du songe. Mais en vain son « hymne géant »

Clamait vers l’Infini l’ivresse de renaître.

Le poète contemplait la ville endormie ; elle lui paraissait « hantée par des souvenirs d’autrefois » ; rien ne dissipait son ennui. Inutilement aussi il fuyait la fenêtre, se réfugiait au plus profond de la petite chambre. Trop de remembrances l’y poursuivaient :

D’ailleurs, je sais ton spectre épars aux moindres choses,
C’est ton âme qui meurt dans le parfum des roses,
L’oreiller se souvient des courbes de ton bras
Et mon lit a gardé ta forme aux plis des draps.

Il quitte sa chambre, il quitte la ville et, « pèlerin maudit du Doute et de l’Amour », descend le long de la chute calme d’un fleuve vers le calme frissonnant de la forêt. La Volupté es-