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dant, la dialectique platonicienne des deux poèmes.

C’est à peine si j’ose sourire de l’idée un peu excessive qu’Émile Boissier se fait de la fonction du poète. Il n’a rien abandonné des prétentions romantiques. Il voit les poètes comme des soldats

Dont les bras sont armés pour la Croisade austère.
L’Avenir sourira, limpide, dans leurs yeux
Et, quand ils parleront, la foule doit se taire.

Oui, il faut nous taire à la voix des poètes. Mais non pour attendre d’eux le conseil de salut : je crois bien que les indications arriveraient multiples et contradictoires. Il faut les écouter pour le charme qui émane de leur parole. Leur devoir c’est d’être des chanteurs mélodieux. Lorsque, comme au Chemin de l’Irréel et au Chemin de la Douleur, leurs mélopées éveillent en nous des sentiments nobles, nous leur devons double reconnaissance. Mais n’allons pas leur demander la pensée précise et originale. Souvent, par besoin inconscient de renouveler leur musique, ils chantent des théories jeunes encore ; mais ils n’ont pas la puissance de les créer eux-mêmes. Ils s’éprennent des