Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/208

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empires qui grandissent et les décadences, les églises qui triomphent ou qui se meurent :

Les Tribuns ont couvert la voix des patriarches

Qui, des cathèdres d’or, outragés au Concile,
Entraînent dans leur robe où choit leur pas sénile

Les grands flambeaux éteints qui roulent sur les marches.

Quelques vers cités disent mieux que tout commentaire l’admirable talent du poète. Il est fait de gravité dans la pensée, de noblesse dans le sentiment ; il est fait surtout d’une étonnante puissance de voir vite et de faire voir vite. Le penseur, cet être rare, existe chez Lacuzon. Et il y a une âme dans son verbe. Mais le visionnaire est grand. La pensée s’embarrasse parfois et hésite comme à des lèvres de bègue une émotion trop intense. Mais la vision est toujours précise comme du présent ; le tableau, achevé en quelques vers qui, chez un autre, suffiraient à peine à l’indiquer, s’impose comme un de ces rêves plus obsédants que le réel, parce qu’ils sont du réel condensé. Parfois même, la vision s’entend et le cri devient visible :

Et sur les horizons blanchis d’aube lustrale

Monte, profil d’un cri, qui de bourg en cité,
Tout en roc et granit se fût répercuté,

L’hymne piaculaire et fier des cathédrales…