Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/302

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s’est montré effroyablement inférieur à sa destinée. Pauvre soldat incurable, auquel nul spectacle et nulle souffrance ne purent être éducateurs. À peine débarrassé, et provisoirement, de la livrée du bagne, son geste hâtif d’esclave le recouvrait de la livrée de la caserne. Il fut devant les généraux un capitaine ankylosé dans je ne sais quelle attitude réglementaire, au lieu de se dresser en face de ces mannequins, homme dont l’haleine vivante fait trembler les apparences. Jamais, en le regardant, nous n’avons eu la joie de dire : Ecce homo ! La victime était faite de la même boue que les bourreaux, et la déesse Douleur fut impuissante à insuffler en cette fange militaire une âme.

L’affaire est finie, bien finie. Celui qui souffrait injustement ne souffre plus et il n’est pas assez haut pour qu’on parvienne à faire un drapeau avec « cette pauvre loque humaine ».

Pourquoi Zola recueille-t-il en volume ses articles sur « l’affaire » ? Désir de ne rien laisser perdre, sans doute, et inconscience vaniteuse, et manie du document.

Dans la première période, grâce à l’entêtement qui est le fond de sa nature, Zola nous