Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/338

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négation, même au devoir », il devient enfant pour « la sainte affirmation » qui créera des « valeurs nouvelles. »

La philosophie de Nietzsche commence, en effet, par être libératrice. Ce héros veut nous affranchir non seulement « de tous les maîtres qui ne se moquent pas d’eux-mêmes », mais encore de notre propre passé, de toute continuité personnelle, de la crainte naïve et tyrannique de nous contredire. Non content de délivrer l’individu de « l’instinct de troupeau », il le libère de toute préoccupation d’harmonie dans sa vie et dans sa pensée. Il n’est pas satisfait quand il lui a dit d’être lui-même. Il lui recommande d’être celui de cette heure, non celui d’hier. Il proclame, avec une joie fière et un peu ricaneuse : « Mon présent réfute mon passé ». Le lion rugit : Vis dans la joie de ce moment !

Affranchir l’individu ne suffit pas à Nietzsche. Il délivre aussi l’univers. Il le délivre de Dieu, qui est « mort » ; il le délivre de la causalité et de la finalité.

Mais il va bientôt, de lion destructeur devenu un enfant qui joue « le jeu divin de la création », forger au monde et à l’individu des chaînes aussi lourdes que les anciennes.