Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/371

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sier individualisme de la pensée d’Epictète par exemple. Ibsen n’arrive pas à la sérénité. Il s’attarde à l’attitude de révolte qui ne doit être que le sursaut du réveil. Il lutte toujours, toujours mécontent. C’est qu’il ne méprise pas assez les biens matériels. Il voudrait bassement que le confort fût donné par surcroît à celui qui conquiert l’indépendance intellectuelle et morale. Il n’est pas débarbouillé de tout eudémonisme et un peu de matérialisme biblique pèse toujours sur son esprit. Son stoïcisme s’enlaidit de protestantisme.

Les jeunes gens qui aujourd’hui se dressent pour s’affirmer savent qu’égoïsme et altruisme sont également bas, également courbés vers la matière et que ces deux ennemis se battent dans la fange. Le vrai individualisme, celui qui ne rampe pas sur le ventre, celui qui dans un temps aussi ignoble que le nôtre tenait debout les stoïciens, ignore les préoccupations utilitaires. Méprisant pour soi et pour autrui toute la vile arithmétique des plaisirs et des douleurs, il affirme l’impuissance de la force, la naïveté de la ruse, la pauvreté de l’argent. Stoïcisme enrichi d’idéalisme, il ne reconnaît que deux biens : la fermeté inébranlable du vouloir, la