Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/94

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naturel. Mais le plus souvent il se laisse éblouir aux lumières fumeuses de la baraque devant quoi il bonimente ; il prend les planches branlantes qui le supportent pour le Parnasse ; il est un nigaud réjoui qui croit utile de ne pas rire, un ahuri qui fait l’informé.

Poète !… Il veut être poète ! Et il veut être délicat ! Il fabrique — ne riez pas — des Aquarelles d’âmes. Ça croit avoir une âme, l’auteur des Chiens de faïence, et que son âme c’est de l’eau. J’y suis allé voir : l’auteur des Chiens de faïence a raison et il a pour âme quelque chose qui ressemble assez à la mare aux canards.

Nulle sensibilité chez lui ; les reflets ne frémissent point dans sa bourbe épaisse. De l’imagination ? Oui, celle d’une boule de jardin ou d’un miroir à élargir le rire des passants.

Il remplit ses livres d’analyses mille fois lues. Ses réminiscences les lui apportent d’abord déformées en énormités amusantes. Le malheureux les veut subtiles et fortes. Il amenuise ces vieilleries et les brise au poids de mots dont la précision abstraite et la netteté pédante lui semblent rares. Il est — ne serait-ce point la caractéristique du pitre qui se déguise en