Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/96

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quelques instants sans trop d’ennui : Boissière cesse d’être ridicule et reste presque aussi drôle. Il a dépouillé ses oripeaux de théâtre, il s’est regardé dans sa nudité risible et, avec sous les yeux ce modèle excellent, il a tracé, d’un pinceau exact jusqu’à la caricature, des âmes basses, des prétentions têtues, des conceptions étroites. Sans doute, il ne parvient jamais à rejeter toutes ses précieuses abstractions. Des restes de loques pendent, feuilles de vigne bizarres, en divers endroits des statuettes grotesques, cachant un doigt ou habillant un nez.

J’ai vu souvent, même dans ceux de ses livres qui se prétendent sans prétentions, un personnage qui « risquait l’incertitude du parquet glissant, » ou qui, au lieu de s’appeler Suin, « s’autorisait du nom de Suin. » J’en sais un qui tient à la main « l’inexpérience d’un petit instrument. »

Mais souvent le naturel premier, malgré le poids des lourdes habitudes, remonte et éclate. Boissière, par exemple, se fait le parrain d’une fille publique pour la doter du surnom de Victoria. Voyez-le ensuite s’égayer, l’œil grivois et la lippe grasse, de ce « pseudonyme à deux places » et pousser du coude une cama-