II
JEAN-SANS-PEUR
Il était une fois un roi et une reine qui avaient un petit garçon ; le jour de son baptême ils invitèrent toutes les fées, et chacune lui fit des dons ; l’une disait : Il sera beau, l’autre : Il sera riche, bref chacune lui donna une qualité ; puis elles s’en allèrent.
Il y avait une heure qu’elles étaient parties, quand le roi et la reine virent s’attirer de dessous terre une fée qui avait la mine d’avoir pleuré :
— Vous avez, leur dit-elle, invité au baptême toutes mes commères et pas moi.
— Ah ! ma bonne mère, s’écria le roi, c’est un oubli, je regrette bien de n’y avoir pas pensé.
— Si je voulais, répondit la fée, je pourrais lui retirer tous les dons que les autres lui ont accordés ; mais je ne suis pas méchante, et je vais lui faire moi aussi un don : il sera sans peur.
Depuis ce jour on n’appela plus le fils du roi que Jean-sans-Peur ; en grandissant il méritait son surnom, car il n’avait peur de rien.
Un jour il alla dans la forêt pour chasser avec son chien ; dès qu’il y fut entré, il vit des follets qui dansaient sur l’herbe ; son chien voulut courir après eux ; mais ils l’enlevèrent dans les airs et le mirent en pièces. Jean-sans-Peur s’écria :
— Si vous ne vous en allez pas, je vais vous tirer un coup de fusil
Il tira ; les follets disparurent tous, et jamais il ne les a revus.
Comme il allait quitter la forêt, il entendit pleurer ; il regarda de tous côtés et chercha partout, mais sans rien voir. À la fin, il aperçut un nid de pie et les jambes d’un enfant qui dépassaient le nid. Il grimpa dans l’arbre et y trouva une petite fille qu’il descendit avec précaution :
— Si elle vit, dit-il, c’est elle que j’épouserai.
Il l’emporta chez son père et la fit élever en disant qu’il voulait la prendre pour femme quand elle serait devenue grande.