Page:Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/163

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— Je n’y vais pas, je suis venue au-devant de vous.

— Je vais, dit le capitaine, pour voir une jolie petite chèvre qui est dans les ruines du château : elle vous appartient peut-être ?

— Non, répondit la fée ; elle est à vous ; est-ce que vous ne l’avez pas reconnue à la petite marque qu’elle porte à l’oreille ?

Le capitaine songea aussitôt à sa fille qu’il croyait morte, et il tomba sans connaissance, car il pensa que c’était peut-être elle qui avait été emmorphosée. La fée le secourut, et, quand il eut repris connaissance, elle lui raconta ce qui s’était passé.

— Est-ce que vous ne l’avez pas reconnue ? dit-elle.

— Si, repartit le capitaine, j’ai bien des fois dit qu’elle avait les yeux comme ma pauvre petite Euphrosine, et qu’elle portait comme elle une marque à l’oreille.

— Avant de partir pour un long voyage, dit la fée, je lui avais donné une bague et une baguette pour la préserver des méchancetés de sa belle-mère ; car je savais qu’elle voulait l’emmorphoser ; elle lui a enlevé la bague et la baguette, et ensuite elle l’a fait passer pour morte.

— Oui, j’ai reçu cette nouvelle, et j’en ai eu bien du chagrin.

— Elle est emmorphosée en chèvre blanche, mais je ne puis détruire son enchantement que je n’aie la baguette et la bague ; je vous indiquerai où elles se trouvent.

Il entra dans les ruines du château pour voir la petite chèvre. Dès qu’elle l’aperçut venir avec sa marraine, elle courut à eux en bêlant ; et en disant : « Bée » ; elle se frottait contre eux, frétillait de la queue et ne savait quelles caresses leur faire. Son père pleurait, sa marraine pleurait, et elle pleurait aussi, la petite chèvre blanche.