Page:Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/20

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femme crier : « Au beau céleri ! au beau céleri ! » comme s’il avait été marchand de légumes.

La servante, qui savait que sa maîtresse était très friande de cette sorte de salade, se hâta de descendre ; elle ne reconnut pas le mari de sa maîtresse, que son séjour dans les lieux déserts avait rendu méconnaissable, et celui-ci lui vendit une botte du céleri qui transformait les gens en âne. Il se glissa ensuite dans la maison où il se cacha pour attendre le succès de sa ruse.

Les deux femmes apprêtèrent le céleri pour leur dîner ; mais, aux premières bouchées qu’elles mangèrent, elles furent transformées en ânesses. Quand le mari entendit le bruit de leurs sabots sur le plancher, il se hâta de paraître devant elles : il leur dit qui il était et leur reprocha de l’avoir abandonné dans une île sauvage et inhabitée, puis il les chassa devant lui à grands coups de bâton, et les fit descendre à l’écurie où il ne leur donna à manger que du foin.

Le lendemain, il vit un homme qui conduisait deux baudets chargés de sacs de charbon : les pauvres bêtes pliaient sous le faix et semblaient fatiguées.

— Bonhomme, lui dit-il, tes deux bourriques ont l’air de n’en pouvoir plus : j’ai à l’écurie deux ânes qui depuis longtemps ne font rien et sont si en train qu’à chaque instant on les entend ruer et faire du bruit. Prends-les pour quelques jours et laisse-moi tes bêtes à la place.

— Je le veux bien, répondit le charbonnier.

Il fit sortir les ânesses de l’écurie, leur mit les sacs sur le dos, et les poussa devant lui sans épargner les coups de bâton. Toutes les