Page:Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/97

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— D’où viens-tu, malheureuse ? nous te croyions noyée.

— Ne me grondez pas, répondit-elle, je suis partie il y a deux jours pour nommer l’enfant de la dame pour qui je garde les vaches, et je suis revenue dès que j’ai pu.

— Depuis deux jours ! s’écria la mère, tu as été dix ans. Regarde comme tu es grande à présent.

La jeune fille se regarda et vil qu’elle était devenue femme ; ses frères et ses sœurs, qui étaient tout petits quand elle était partie, avaient si grandi et si changé, qu’elle avait peine à les reconnaître.

Elle se mit à tricoter une paire de bas pour sa filleule, et, quand elle l’eut terminée, elle alla la porter à la houle. La vieille fée qui avait sur le dos des bernis et des moules vint lui ouvrir, et elle resta encore cinq ans avec les fées, pensant n’avoir passé qu’un jour avec elles.

Quand elle voulut s’en aller, sa filleule lui donna une bourse, et lui dit :

— Ma marraine, voici une bourse dont je vous fais présent pour vous souvenir de moi ; elle est pleine d’or : à chaque fois que vous y prendrez une pièce, il en viendra une autre à la place ; mais si un autre que vous puisait dans la bourse, elle perdrait aussitôt toute sa vertu.

Lorsque la jeune fille revint à la Baillie, sa mère était morte depuis longtemps, ses frères étaient embarqués, et ses sœurs avaient quitté le village pour entrer en service ou se marier, et elle resta seule à la maison.

Comme elle était jolie et avenante, il ne manqua pas de galants pour lui faire la cour, et elle en choisit un pour se marier avec lui. Elle ne put s’empêcher de lui parler de la bourse que les fées