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Le soleil proprement peut se dire mon père ;
Le printemps ne m’est rien, je ne le connais pas,
Et ce n’est point à lui que je dois mes appas,
Je l’appelle en raillant le père des fleurettes.
Du fragile muguet, des simples violettes,
Et de cent autres fleurs, qui naissent tour à tour,
Mais de qui les beautés durent à peine un jour.
Voyez-moi seulement : je suis la plus parfaite ;
J’ai le teint fort uni, la taille haute et droite,
Des roses et du lis j’ai le brillant éclat,
Et du plus beau jasmin le lustre délicat.
Je surpasse en odeur et la jonquille et l’ambre
Et les plus grands des rois me souffrent dans leur chambre.
Faut-il vous dire tout ? Votre esprit est discret ;
Je vais lui confier mon plus galant secret :
J’ai su plaire à Louis, à qui tout voudrait plaire ;
Ne me regardez plus comme une fleur vulgaire.
À son cœur de héros, à ses exploits guerriers.
On eût dit que son cœur n’aimait que les lauriers.
Que seule à ses faveurs la palme osait prétendre.
Cependant il me voit d’un regard assez tendre.
Après un tel honneur, cédez, moindres beautés ;
Vous avez plus de nom[1] que vous n’en méritez.
Vous, Célie, excusez si j’ai l’âme hautaine.
Et si dans mes discours je parais un peu vaine :
Par l’avis de Sapho[2], je demande vos chants.
Si chéris des neuf sœurs, si doux et si touchants.
Pour publier partout, du couchant <à l’aurore
Que je suis sans égale en l’empire de Flore ;
Que le triste Hyacinthe[3] avec tous ses appas,
t cette fleur qui suit mon père pas à pas[4],
Les roses de Vénus nouvellement écloses,
Ajax si renommé dans les métamorphoses[5],
La fleur du beau Narcisse et la fleur d’Adonis[6]
Toutes doivent céder à la fleur de Louis.

  1. De renom.
  2. Melle de Scudéry
  3. Hyacinthe fils d’Œbalus. Apollon jouant avec lui, le blessa d’un coup mortel. Désolé, le dieu le changea en la fleur qui porte son nom.
  4. L’héliotrope ou le tournesol.
  5. Du sang d’Ajax naquit une fleur pareille à celle d’hyacinthe, mais pourpre.
  6. L’Anémone.