RÉPONSE À LA LETTRE DE L’AUTRE MONDE DE MONSIEUR PAVILLON
Moi qui sus mourir et renaître,
J’ai vu l’autre monde de près,
Et n’ai pas vu le myrte y croître
Parmi les funestes cyprès.
Jusqu’aux bords de l’onde infernale
L’amour étend bien son pouvoir,
Mais passé la Rive fatale,
Le pauvre Enfant n’y peut que voir.
Là-bas, dans les demeures sombres.
Rien ne saurait toucher un cœur ;
Croyez-m’en plutôt que les ombres,
Car il n’est rien de si menteur.
Il en est à mines discrètes
Et d’un entretien décevant :
Mais liez-vous à leurs fleurettes,
Autant en emporte le vent.
Parmi tant d’objets amoureux
Je vis une âme désolée :
Elle s’arrachait les cheveux
Dans le fond d’une verte allée.
Tout le monde disait : Voilà
Cette âme triste et misérable ;
Et, quoiqu’elle fût fort aimable.
Tout le monde la laissait là.
— Ombre pleureuse, ombre crieuse,
Helas, lui dis-je en l’abordant
D’une manière sérieuse.
Qu’est-ce qui te tourmente tant ?
— Dans l’autre monde j’étais belle.
Mais rien ne me pouvait toucher ;
J’étais fière, j’étais cruelle.
Et j’avais un cœur de rocher.
J’étais peste, j’étais rieuse
Je traitais abbés et blondins
D’impertinents et de badins.
Et je faisais la Précieuse.