Parmi les hommes se conserve :
Nous rentrons pour toujours dans le profond repos
D’où nous a tirés la nature,
Dans cette affreuse nuit qui confond les héros
Avec le lâche et le parjure,
Et dont les fiers destins, par de cruelles lois,
Ne laissent sortir qu’une fois.
Mais, hélas ! Pour vouloir revivre,
La vie est-elle un bien si doux ?
Quand nous l’aimons tant, songeons-nous
De combien de chagrins sa perte nous délivre ?
Elle n’est qu’un amas de craintes, de douleurs,
De travaux, de soucis, de peines ;
Pour qui connaît les misères humaines,
Mourir n’est pas le plus grand des malheurs.
Cependant, agréables fleurs,
Par des liens honteux attachés à la vie,
Elle fait seule tous nos soins ;
Et nous ne vous portons envie
Que par où nous devons vous envier le moins.
LES MOUTONS
Hélas ! Petits moutons, que vous êtes heureux !
Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes,
Aussitôt aimés qu’amoureux !
On ne vous force point à répandre des larmes ;
Vous ne formez jamais d’inutiles désirs.
Dans vos tranquilles cœurs l’amour suit la nature ;
Sans ressentir ses maux, vous avez ses plaisirs.
L’ambition, l’honneur, l’intérêt, l’imposture,
Qui font tant de maux parmi nous,
Ne se rencontrent point chez vous.
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l’usage.
Innocents animaux, n’en soyez point jaloux :
Ce n’est pas un grand avantage.
Cette fière raison, dont on fait tant de bruit,
Contre les passions n’est pas un sûr remède :
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit,
Et déchirer un cœur qui l’appelle à son aide