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212 LES MUSES FRANÇAISES

Mélanie n’était pas belle, nous le savons par le médaillon de David d’Angers et par ce que Dumas en dit lui-même, nous lo savons aussi par cette pièce féroce : A une muse, dans laquelle Alfred de Musset a tracé de la pauvre femme un bien cruel portrait :

Quand madame Waldor à Paul Foucher (1) s’accroche, Montrant le tartre de ses dents. Et dans la valse en feu, comme l’huître à la roche, S’incruste à ses membres ardents ;

Quand sous ses longs cheveux flagellant sa pommette. De son épine osseuse elle crispe les nœuds, Coudoyant les valseurs, pareille à la comète Heurtant les astres dans les cieux ;

C’est qu’en ton sein brûlant sommeillait le génie Avant qu’à tes accents il eût donné l’essor, Comme sommeille l’harmonie Dans une harpe vierge encor !

C’est que l’heureux talent que ton âme sent naître Se trahit seul, pareil aux parfums enivrants Que la rose, sans les connaître. Abandonne au souffle des vents.

C’est que ton œil est doux lorsqu’il quitte la terre Et que, voilé d’amour, se levant vers les cieux. Il y poursuit avec mystère La lune au char silencieux !...

C’est que l’heureux mortel qui vivra dans ta vie. Qui verra ses destins à tes destins liés, Et d’amour et de poésie Pourra s’enivrer à tes pieds.

Oh ! si pour moi le ciel eût gardé cette joie. Si par un doux lien prompt à nous réunir, Nous guidant sur la même voie, Il eût mêlé notre avenir !

Si, faisant à ton cœur sa part de mon délire, Sa bonté conduisait par un double penchant Nos deux mains sur la même lyre, Nos deux voix sur le même chant !

Ma voix s’élèverait quand faiblirait la tienne. Tu serais mon appui, je serais ton soutien. Ta gloire détiendrait la mienne. Mon triomphe serait le tien !

(1) Paul Foucher, beau-frère de Victor Hugo.