Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/243

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C’est le mystère ! il faut marcher sans le connaître.
L’épi vient sans savoir qu’il tombe à la moisson,
Et l’oiseau ne sait pas pourquoi Dieu le fit naître
Dans les épines du buisson.

Nous, nous voulons savoir pourquoi l’air roule et passe ;
Pourquoi dans chaque vie il est un triste adieu ;
Nous voulons de nos yeux interroger l’espace
Où nul ne peut lire que Dieu !

Eh ! n’est-ce pas assez que la terre nous emporte,
Et nous donne ses fruits, de l’ombrage, un foyer ?
Au moment de partir, la mort ouvre une porte,
Et l’on sort sans se coudoyer.

C’est tout, hélas ! c’est tout ! le berceau, puis la tombe.
L’enfant vient, le vieillard s’en va. Le pleure-t-on ?
Quand la feuille est jaunie, il faut bien qu’elle tombe
Pour faire place au rejeton.

C’est que Dieu dans nos jours a mis de douces choses.
C’est la colline ombreuse, et l’onde et l’horizon ;
C’est l’abeille qui boit dans un soleil de roses,
Dont elle se fait le rayon.

C’est le pavot qui flotte au milieu de la plaine,
C’est le rameau fleuri qui penche vers le sol.
C’est le petit oiseau qui déploie avec peine
L’aile où déjà tremble son vol.

Et nous crions toujours, et notre voix blasphème ;
Nous voulons voir du ciel l’invisible chemin ;
Renverser l’univers, refaire l’œuvre, et même
Créer un Dieu de notre main.

Fous ! nous voulons savoir. La nuit nous environne ;
Nous voulons tous du siècle une immortalité ;
Nous parlons d’avenir, et par l’heure » qui sonne
Notre avenir est emporte.

Orgueil ! Orgueil ! Eh quoi ! dès nos jeune pensées
Nous voulons qu’un genou se plie à nos genoux !
Insensés ! Mais avant « pie nos chairs soient glacées
On ne se souvient plus de nous !