Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/244

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Eh ! qu’importe qu’il vienne un enfant, une femme
Chercher sur une pierre un nom presque effacé,
En disant, tout en pleurs : Revivez dans mon âme,
Souvenir d’un bonheur passé ?

Lorsqu’on nous a cousus dans la toile grossière.
Qu’on a cloué sur nous quatre morceaux de bois,
Qu’importe qu’on nous fasse un lit dans la poussière.
Et qu’on nous pare d’une croix ?

C’est le dernier chemin de notre court voyage,
L’écueil où nous restons au milieu du chaos,
Où le fossoyeur fait, comme un souffle d’orage.
Voler la poudre de nos os.

Ainsi nous finissons ; — tout reste en son essence ;
Dieu nous rappelle à lui quand il veut et toujours ;
Sa main n’a pas besoin d’une sainte balance
Pour savoir le poids de nos jours.

C’est que tout est compté, jusques aux grains de sable ;
Au regard du Très-Haut rien ne reste inconnu :
Il sait le temps passé, le temps impérissable,
Et l’homme qui n’est pas venu.

Ainsi soit-il, mon Dieu ! Mon Dieu ! lorsque votre ange,
Qui de la vie éteint chaque jour le flambeau,
Viendra nouer à moi son aile comme un lange.
Et me jeter dans le tombeau.

Dieu, laissez-moi ravir à l’autre vie une heure ;
Ramonez mon esprit au milieu de mes champs :
J’ai besoin d’écouter le poète qui pleure
En créant de sublimes chants !

C’est que dans le poète est la grande pensée ;
C’est le miel qui toujours s’épand sur la douleur ;
Car votre voix, mon Dieu ! dans sa voix s’est placée
Comme un parfum dans une fleur.

Mais quels rêves de fous, ah mon Dieu ! sont les nôtres !
Si l’âme va vers vous, elle reste avec vous ;
On perd le souvenir de la terre : et puis d’autres
Naissent et meurent comme nous.