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LES MUSES FRANÇAISES


LE BEAU



Il ne faut point chercher si loin le lac d’azur
Et le mont, et le fleuve, et les sombres vallées
Pour permettre à son cœur les vastes envolées
Et cet amour du Beau, si puissant et si pur.
 
Mais simplement lever les yeux ; et sur le toit
Regarder de la rue obscurément étroite
L’étroit morceau de ciel, qui scintille et miroite
De topaze et de pourpre au soleil qui décroît ;
  
Parfois un lourd nuage y glisse, triste, obscur ;
Et tous les soirs, au moins une étoile y vient luire
Et l’infini du Beau, qui ne peut se traduire,
Vibre entier dans cet astre et ce morceau d’azur !…
 
Ah ! le rêve est partout — et partout l’idéal.
— Et partout le bonheur — pour qui veut le comprendre.
La vie est si remplie ; et la main qu’on sait tendre
Peut saisir tant de mains ; et guérir tant de mal !

Et les yeux bien ouverts, les yeux qui veulent voir,
Peuvent tant admirer ! Mais, que de fleurs on passe
Qu’on ne regarde pas ! Et que de joies on chasse
Qui naissent tous les jours du plus humble devoir !

Cueillez toutes les fleurs, chacune a sa beauté.
Et regardez le ciel, fut-ce aux fenêtres closes ;
Et cherchez — comme en juin vous chercherez les roses —
Les tristes, pour leur voir un éclat de gaîté ;

Et prenez à la Vie avec tout votre cœur
Tout ce qu’elle vous offre. Et vivant aux coins sombres.
Levez les yeux, sachant qu’au-dessus de ces ombres
Le ciel brille — et l’amour — dans leur pure splendeur.
 

(Poèmes de femme.)