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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/61

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MADAME ALPHONSE DAUDET

À CASSANDRE, DAME DE PRÉ


Dans les mêmes vallons où j’ai tant promené
Et redit mes douleurs à la belle lumière.
Cassandre, au temps lointain, par votre nom orné.
L’amour vous fut constant, la gloire coutumière ;

Le ciel avait ces bleus, le bois ces verts profonds.
La Loire en une souple et fuyante magie
Mêlait ses roseaux clairs au sable de ses fonds.
Tantôt fougueuse et vive, et tantôt assagie.

Vous, comme elle, suiviez le caprice exaltant,
Et Ronsard, à qui fut chère votre beauté,
Nous fit juges du mal qu’il souffrit en aimant
Votre fière douceur, votre humble cruauté.
 
Je le vois en l’allée, où les roses fleurissent.
Cherchant la rime double au vol des scarabées
Dont les ailes souvent se ferment et se glissent.
Au cœur tendre et vermeil de ces roses tombées ;

Je l’entends assembler et vous dire ses »’ers
Ramassés ce matin dans le filet d’une ode.
Célébrer en vos yeux le splendide univers
En dépit du soupçon et de la mort qui rôde.

Et vous vous promenez sur la terrasse en fleurs.
Légère, vous poursuit l’ombre de la tourelle,
Votre marche a bien l’unisson de vos deux cœurs.
Ronsard était poète et Cassandre était belle.

Ainsi, pensant à vous, je vous revois errer,
Et mon deuil n’assombrit pas votre souvenance ;
Où vous fûtes joyeuse, une autre peut pleurer,
Sous notre ciel changeant et doux de vieille France.

(Reflets sur le sable et sur l’eau.)

EN BRETAGNE


Elle ne s’étend pas comme un manteau qui tombe.
En Bretagne, la nuit ne vient pas du ciel clair.
Elle monte du sol où se condense l’air.
Des champs emprisonnés, de la grève et la combe.