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Anvers, qu’on commence à pratiquer l’assurance sur la vie, ou plutôt sur les voyages, souvent à l’insu de l’assuré, ce qui provoqua les pires fraudes et même des crimes[1].

On comprend la relation qui existe entre l’assurance et la spéculation, car l’assurance, même pratiquée honnêtement, comporte toujours un « risque », tout au moins pour l’assureur, risque qui s’atténuera lorsque l’institution sera devenue plus régulière.

Le goût du jeu sous toutes ses formes caractérise aussi une société dans laquelle s’est développée la spéculation. De là, l’organisation de loteries, comme la grande loterie de 1565-1567, qui devait profiter surtout à la gouvernante Marie et à ceux qui l’avaient organisée. De là aussi, la pratique des paris : à Anvers, l’on parie sur le sexe des enfants à naître, — ce qui donne lieu souvent à des fraudes —, sur la durée du trajet accompli par un cheval pour un certain parcours, sur la date d’un événement historique, etc.[2]. C’est aussi dans ce milieu fiévreux de l’Anvers du XVIe siècle que l’on voit s’agiter tout un monde de faiseurs de projets, plus ou moins chimériques, de donneurs d’avis, de brasseurs d’affaires et aussi d’inventeurs et ingénieurs ; bon nombre d’entre eux sont de simples ; chevaliers d’industrie, mais il est aussi des figures bien intéressantes : tels, un Gaspard Ducci ou un Leonardo di Benavento.

La grande conséquence des progrès de la spéculation, c’est la mobilisation des capitaux, la transformation des marchandises en valeurs, qui les représentent ou sont censées les représenter. On peut dire que même les biens fonciers commencent à se mobiliser, grâce aux hypothèques.

  1. Voy. A. Goris, Les colonies marchandes méridionales à Anvers de 1488 à 1565, Louvain, 1925.
  2. Ibid., p. 401 et suiv., 425 et suiv.