Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/49

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et les prêts productifs. En Angleterre, à l’époque d’Henri VII, le cardinal-chancelier Morton déclare au Parlement :

Sa Grâce (le Roi) vous prie de prendre en considération toute entreprise commerciale ou industrielle, telle que les manufactures du royaume, de diminuer l’emploi stérile et bâtard que l’on fait de l’argent en le consacrant à l’usure et à des trafics illégaux ; on doit destiner cet argent à son usage naturel, c’est-à-dire au commerce et aux métiers loyaux et royaux.

N’oublions pas non plus que l’Église considère aussi comme légitime le bail à rente, qui n’est qu’un prêt déguisé. Mais, comme le remarque fortement le professeur W. Ashley, à mesure que les relations commerciales s’étendent, l’argent prend de plus en plus le caractère de capital. Et, ainsi que le dit M. Tawney, « la doctrine traditionnelle, qui se proposait de protéger les paysans et les artisans contre les prêteurs sur gages, n’était pas applicable aux fabricants de drap, aux propriétaires de mines, aux maîtres de forges, qui avaient besoin de capitaux ».

Cependant, la doctrine scolastique subsistait, et, pour les négociants et les hommes d’affaires, qui restaient fidèles à la foi catholique, il y avait là un cas de conscience singulièrement embarrassant. C’est ce qui explique la curieuse consultation que les marchands espagnols d’Anvers, en 1532, chargèrent leur confesseur, le franciscain Jean-Baptiste, de demander à l’Université de Paris. Cette curieuse consultation écrite, qui nous a été conservée et que publie M. Goris[1], montre que les théologiens catholiques n’ont renoncé à aucune des idées traditionnelles. Ils rejettent l’intérêt de change, comme illicite et usuraire, ils réprouvent tout élément

  1. Ouv. cité, p. 510 et suiv.