Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/54

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commerçants des pays européens réalisent d’énormes profits, qui parfois dépassent 200 ou 300 %.

Une autre pratique, non moins lucrative, ce fut le travail forcé que, dans leurs colonies, les peuples européens exigèrent des indigènes : Espagnols, Portugais, Hollandais se montrèrent aussi impitoyables les uns que, les autres envers leurs sujets de race rouge ou de race jaune. En Amérique, dans les Antilles surtout, il y eut mie, véritable dépopulation. des Indiens, si bien qu’il fallut les remplacer par des nègres, que la traite chercha en Afrique, traite meurtrière, et qui rapporta aussi d’énormes profits. C’est très justement que W. Sombart a pu dire : « Nous sommes devenus riches parce que des races entières, des peuples entiers sont morts pour nous ; c’est pour nous que des continents ont été, dépeuplés ». Telle est, il faut en convenir, l’une des sources — fort impure — du capitalisme[1]. D’innombrables faits, dans le détail desquels nous ne pouvons entrer, tendent à montrer que le commerce colonial et l’exploitation des indigènes ont accru, dans d’énormes proportions, la quantité des capitaux qui se sont répandus sur l’Europe.

Notons aussi que, grâce à ce commerce si lucratif, les anciennes pratiques commerciales se sont perfectionnées, que de nouvelles ont pris naissance, qu’un véritable, code maritime s’élabora. Cela fut, pour une bonne part, l’œuvre des négociants portugais, qui, les premiers, ont exploité cette nouvelle source de richesses, et dont, d’ailleurs, un grand nombre étaient d’origine juive, plus ou moins bien convertis au catholicisme

  1. Voy. W. Sombart, ouv. cité., chap, XIII ; Peschel, Zeitalter der Entdeckungen. On ne saurait nier, d’autre part, que, la période de conquête brutale terminée, les colons espagnols n’aient fait souvent de louables efforts pour mettre en valeur l’immense continent, dont ils avaient pris possession ; le grand savant Humboldt le reconnaît. Cf. C. Pereyra, L’œuvre de l’Espagne en Amérique. trad. fr., 1925.