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en vue d’un port américain, demandent à y réparer leurs vaisseaux, séduisent par leurs présents le gouverneur, et le tour est joué. C’est ce qu’indique Huet, dans le même ouvrage (p. 112) :

« Les Hollandais ont même trouvé le moyen d’y trafiquer secrètement [en Amérique], ou, pour mieux dire, directement par le moyen de l’isle de Curaçao, qui n’est pas fort éloignée de la ville de Carthagène ; les marchands de cette fameuse ville et ceux de quelques autres de la côte maritime s’entendent avec les Hollandais, auxquels ils apportent leurs marchandises jusques dans leurs vaisseaux, pendant qu’ils sont à l’ancre en quelques endroits commode ; des côtes, dont ils font échange avec les marchandises de l’Europe ».

Puis, vers la fin du XVIIe siècle, ce sont les mers du Sud, c’est-à-dire les côtes du Pacifique, qui attirent les convoitises des étrangers, et notamment des Français, surtout des Malouins, qui y font des bénéfices superbes, qui, en quelques années, en rapportent plus de 200 millions de livres[1]. Enfin, le commerce des Philippines, qui procure d’énormes profits (montant parfois à 600 %), échappe aussi en partie à la métropole.

Ainsi, le monopole commercial que l’Espagne prétendait s’arroger dans ses colonies est à peu près ruiné, surtout au XVIIIe siècle, lorsque les Anglais, au traité d’Utrecht, se sont fait donner l’asiento, c’est-à-dire le privilège de la traite des noirs, ainsi que le droit d’entretenir un vaisseau de permission[2].

D’ailleurs, si les Espagnols ont laissé couler entre leurs doigts ce Pactole, s’ils n’ont pas su profiter pour eux-mêmes ou, du moins, s’ils n’ont profité que dans une très faible mesure des ressources immenses de leur ma-

  1. Voy. Dahlgren, Les relations commerciales et maritimes, entre la France et les côtes de l’océan Pacifique, Paris, 1909 ; Léon Vignols, Le commerce interlope français à la mer du Sud (Revue d’Histoire économique, 1925).
  2. Cf. Georges Scelle, La traite négrière aux Indes de Castille, Paris, 1904.