Page:Ségur - Aprés la pluie, le beau temps.djvu/316

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votre présence. La scène terrible qui m’a mise si près de la mort est encore trop récente pour que l’impression en soit effacée. Permettez-moi de vous dire, mon oncle, qu’en vous quittant je n’emporte aucun ressentiment et que je vous pardonne du fond du cœur tout ce qui s’est passé.

« Votre nièce respectueuse,
« Geneviève. »


M. Dormère donna à Georges les deux lettres et se retira dans sa chambre sans prononcer une parole.

Georges s’en alla aussi dans sa chambre, furieux contre Geneviève, contre Mlle Primerose, contre son père qu’il trouvait faible et absurde.

« Il n’a jamais su se conduire, ni conduire les autres ; avec moi jadis, il s’est comporté comme un enfant, ajoutant foi à tout ce que je lui disais ; et pourtant il savait que je mentais ; au lieu de me punir, de me fouetter au besoin, il m’excusait, me soutenait, il m’embrassait. C’est stupide ! Aussi je ne l’aime ni ne le respecte.

« Je n’aime pas cette petite Geneviève, mais je dois convenir que mon père a toujours été très mal pour elle. Dernièrement encore, cette scène était absurde ; il accuse son cher Rame sans savoir pourquoi ; c’était bête, c’était sot. À quoi pouvaient servir au nègre ces dix mille francs ? Et lorsque dans son épouvante pour moi (car c’était pour moi qu’elle résistait) elle a l’imprudence de lui parler de l’honneur de sa maison, il ne devine pas que c’est moi