Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/13

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larmes, et s’efforça de paraître calme et tranquille pour le retour de Jean.

Jean avait marché lestement jusqu’au détour du chemin et tant que sa mère pouvait l’apercevoir. Mais quand il se sentit hors de vue, il s’arrêta, jeta un regard douloureux sur la route qu’il venait de parcourir, sur tous les objets environnants, et il pensa que, le lendemain de grand matin, il passerait par les mêmes endroits, mais pour ne plus les revoir ; et lui aussi pleura.

« Pauvre mère ! se dit-il. Elle croit que je la quitte sans regret ; elle n’a ni inquiétude ni chagrin. Ma tranquillité la rassure et soutient son courage. Ce serait mal et cruel à moi de lui laisser voir combien je suis malheureux de la quitter ! et pour si longtemps ! Mon bon Dieu, donnez-moi du courage jusqu’à la fin ! Ma bonne sainte Vierge, je me mets sous votre protection. Vous veillerez sur moi et vous me ferez revenir près de maman ! »

Jean essuya ses yeux, chercha à se distraire par la pensée de son frère qu’il aimait tendrement, et arriva assez gaiement à la demeure de sa tante Marine. Au moment d’entrer, il s’arrêta effrayé et surpris. Il entendait des cris étouffés, des gémissements, des sanglots. Il poussa vivement la porte ; sa tante était seule et paraissait mécontente, mais ce n’était certainement pas elle qui avait poussé les cris et les gémissements qu’il venait d’entendre.

« Te voilà, petit Jean ? dit-elle ; que veux-tu ?

Jean.

Maman m’a envoyé savoir si Jeannot était prêt