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Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/226

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t’épauler, pour te servir de caution, et je ne craindrai pas de perdre mon argent.

Simon.

Oh ! monsieur, serait-il possible ? »

Simon resta les mains jointes devant M. Abel, ne sachant comment le remercier, n’osant pas se laisser aller à toute sa reconnaissance et à son bonheur. Le café était encore vide, à cause de l’heure matinale ; la dame du comptoir même n’était pas encore descendue ; M. Abel, d’ailleurs, mangeait dans un cabinet réservé aux privilégiés.

Jean avait écouté et tout entendu ; il regardait M. Abel avec une expression toute particulière. Tout à coup il s’avança vers lui, tombant à ses genoux, les lui baisa avec ardeur et s’écria :

« C’est vous, c’est vous qui êtes monsieur le Peintre ; c’est vous qui êtes notre bienfaiteur, le cœur d’or qu’aimait le mien. Je vous devine. J’en suis sûr, c’est vous ; oui, c’est vous ! Oh ! laissez-moi baiser vos mains et vos genoux, vous dire que je vous aime, combien je vous aime, combien je vous respecte, avec quelle tendresse je songe à vous, avec quel bonheur je vous retrouve. Cher, cher monsieur Abel, dites-moi votre vrai nom, que je le grave dans mon cœur, dans mon esprit. Cher bienfaiteur ! Simon sera heureux par vous ! Que le bon Dieu vous bénisse ! Que le bon Dieu vous protège ! Que le bon Dieu vous récompense ! »

Et le pauvre Jean éclata en sanglots.

M. Abel, fort ému lui-même, le releva, le serra dans ses bras, baisa son front, ses joues baignées