Aller au contenu

Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Abel.

Le crois-tu bon camarade, d’un caractère agréable ?

Jean.

Non, monsieur.

M. Abel.

Le crois-tu propre, rangé, intelligent ?

Jean.

Non, monsieur. »

M. Abel se mit à rire de si bon cœur, que Jean lui-même ne put s’empêcher de rire avec lui. Quand l’accès de gaieté fut calmé, M. Abel reprit :

« Mon pauvre enfant, que veux-tu que je fasse d’un pareil garnement ?… Ne t’effraye pas ; je t’ai promis de le placer, et je tiendrai parole… Mais comment vais-je faire ? À qui et comment demander de prendre à son service un garçon voleur, menteur, irréligieux, paresseux, grognon, maussade, désobligeant, sale, désordonné, bête, et je ne sais quoi encore ? Sac à papier ! quelle tâche tu me donnes ! Quel service absurde tu me demandes ! C’est bête comme tout ! Je ne sais comment m’y prendre ! »

M. Abel se remit à rire de plus belle. Jean commença à s’inquiéter ; il sentait l’absurdité de sa demande ; il craignit d’avoir abusé de la bonté de M. Abel.

« Monsieur ! monsieur ! dit-il d’un air suppliant, pardonnez-moi ; ne m’en voulez pas ! Je sens que je vous ai demandé une chose impossible ; mais ce pauvre Jeannot me fait une telle pitié ! Plus il est mauvais, et plus je le plains.