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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

cha à se rendre utile à madame Blidot et à Elfy en faisant leurs commissions, en lavant la vaisselle, en servant les voyageurs. Vers le soir, il s’approcha de madame Blidot, et lui dit avec quelque embarras :

« Maman, vous avez promis à M. Moutier de donner un peu à manger au pauvre Torchonnet ; je l’ai vu tout à l’heure ; il courait avec un gros pain sous le bras ; il m’a fait signe qu’il allait venir chercher de l’eau au puits ; voulez-vous me donner quelque chose pour que je le lui porte dans l’arbre creux ?

MADAME BLIDOT.

Oui, mon ami ; voici un reste de viande et un morceau de pain. Va mettre cela dans le creux de l’arbre ; et, de peur que je ne l’oublie à l’avenir, rappelle-le-moi tous les jours à dîner ; nous ferons la part du pauvre petit malheureux.

JACQUES.

Merci, maman, vous êtes bonne comme M. Moutier. »


Porte cela dans le creux de l’arbre.

Et Jacques emporta ses provisions, qu’il alla déposer dans l’arbre du puits. Il ne tarda pas à voir arriver Torchonnet avec sa cruche ; il marchait lentement, et il s’essuyait les yeux tout en dévorant le pain et la viande de madame Blidot ; il but de l’eau de la cruche, salua tristement Jacques et Paul, qui le regardaient du seuil de la porte, et reprit le chemin de son auberge.

Les jours se passaient ainsi, heureux pour Jacques et pour tous les habitants de l’Ange-Gardien, tristes et cruels pour l’infortuné Torchonnet que son maître maltraitait sans relâche. Bien des fois Jacques l’aida en cachette à exécuter les ordres qu’il recevait et qui dépassaient ses forces ; tantôt c’était un objet trop lourd à porter au loin ; alors Jacques et Paul le rejoignaient à la sortie du village et l’aidaient à porter son fardeau.