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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

rude, mais basse. L’étranger est parti ; demain tu reprendras ton ouvrage, et si tu as le malheur de raconter un mot de ce que tu as vu et entendu, de dire à n’importe qui comme quoi tu as été enfermé ici pendant que l’étranger était à l’auberge, je te briserai les os et je te brûlerai à petit feu… Entends-tu ce que je te dis, animal ?

— Oui, monsieur, » répondit la voix tremblante de Torchonnet.

L’aubergiste sortit, referma la porte et rentra dans la maison.

Quand Moutier fut bien assuré qu’on ne pouvait pas l’entendre, il s’approcha de la cloison et dit à Jacques d’appeler Torchonnet à voix basse.

« Torchonnet, mon pauvre Torchonnet, dit Jacques, pourquoi es-tu enfermé dans ce trou noir ?

TORCHONNET.

C’est vous, mon bon Jacques ? Comment avez-vous su que ce méchant homme m’avait enfermé ? Je ne sais pas pourquoi il m’a mis ici.

JACQUES.

Depuis quand y es-tu ?

TORCHONNET.

Depuis le jour où est arrivé un beau monsieur, dans une belle voiture, avec une cassette pleine de choses d’or. Il a eu pitié de moi ; il a dit à mon maître que j’avais l’air malade et malheureux. Il lui a proposé de donner de l’argent pour me placer ailleurs ; mon maître a refusé. Alors ce bon monsieur m’a donné une pièce d’or en me disant d’aller lui acheter pour un franc de tabac et de garder le reste pour moi. Mon maître m’a suivi, m’a arraché la pièce d’or avant que j’eusse seule-