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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

ment eu le temps de sortir dans la rue. J’ai voulu crier ; il m’a saisi par le cou, m’a entraîné dans ce charbonnier et m’a jeté dedans en me disant que, si j’appelais, il me tuerait. Il m’apporte tous les soirs un morceau de pain et une cruche d’eau.

MOUTIER.

Pauvre garçon ! »

La voix de Moutier fit tressaillir Torchonnet.

TORCHONNET.

Mon Dieu ! mon Dieu ! Il y a quelqu’un avec vous, Jacques ? Mon maître le saura ; il dira que j’ai parlé, et il me tuera.

MOUTIER.

Sois tranquille, pauvre enfant ! C’est moi qui t’ai aidé, il y a trois ans, à porter ton sac de charbon ; je suis l’ami, le père de Jacques, et je ne te trahirai pas. Quand le monsieur est-il parti ?

TORCHONNET.

Le maître dit qu’il est parti, mais je ne crois pas ; car j’ai entendu ce soir la voix du monsieur, qui parlait très-haut, puis mon maître qui jurait, et puis beaucoup de bruit comme si on se battait, et puis le frère et la femme de mon maître qui parlaient très-fort, puis rien ensuite, et il est venu m’apporter mon pain. »

Moutier frémissait d’indignation. « Auraient-ils commis un crime ? se demanda-t-il, ou bien se préparent-ils à en commettre un ? Comment faire pour l’empêcher, s’il n’est déjà trop tard ? Tout est fermé… Impossible d’entrer sans faire de bruit… Ce n’est pas que je les craigne ! Avec mon poignard algérien et mes pistolets de poche, j’en viendrais facilement à bout ; mais, si le pauvre étranger vit encore, ils le tueront avant que