Page:Ségur - La soeur de Gribouille, Hachette, 1886.djvu/356

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L’appartement se trouvait suffisamment éclairé pour que le brigadier donnât à Gribouille les soins qu’exigeait son état. Il l’enleva avec précaution, pour ne pas provoquer l’écoulement de sang, le déposa sur le lit qui avait reçu le dernier soupir de la femme Thibaut, lui enleva ses habits imprégnés de sang et banda fortement sa blessure avec son mouchoir. Lorsque le sang cessa de couler, Gribouille, qui s’était évanoui, reprit connaissance. En ouvrant les yeux, il aperçut le visage ému et consterné de son ami penché sur lui et bassinant ses tempes et son front avec de l’eau fraîche, seule chose qu’il eût pu trouver dans cette maison si récemment inhabitée.

« Brigadier,… je suis content,… je vais mourir… C’est pour vous,… je suis heureux !… je vous aime bien,… dit-il d’une voix haletante.

— Tais-toi ! pour Dieu, ne parle pas ! Chaque parole que tu dis fait couler ton sang… Gribouille ! mon ami ! mon pauvre ami ! quel dévouement !… quel courage !… Que faire, mon Dieu, pour te secourir ? Je ne puis te laisser seul ! je ne puis laisser Michel sans surveillance ! »

Le pauvre brigadier, en proie à la plus vive émotion et à la plus terrible inquiétude qu’il eût éprouvées de sa vie, tortillait sa moustache, réfléchissait sans rien trouver et priait Dieu de lui envoyer une bonne inspiration. Elle vint, cette bonne inspiration : un rayon de joie éclaira son visage ; il courut à la fenêtre et l’ouvrit.