Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/253

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regrettées ! J’en ai en un si grand chagrin, que mon père aurait dû avoir pitié de moi et me les pardonner comme a fait ma mère. Quand je serai soldat, on ne pensera plus à moi ; et si j’ai le bonheur d’être tué dans un combat, on me pardonnera peut-être. J’ai été voir plusieurs fois notre bon curé ; il a cherché à me consoler. Il trouve que je ferais bien de partir pour l’armée.

julien.

Je trouve aussi que ta pensée est bonne ; mais que deviendront tes pauvres parents, ta pauvre mère, surtout ?

frédéric.

Tu leur resteras, Julien : ils t’aiment beaucoup, et ils ont bien raison. Ah ! si j’avais fait comme toi ! Si j’avais repoussé les conseils de ce méchant Alcide ! Si je t’avais écouté ! »

Frédéric tendit la main à Julien, qui la serra dans les siennes.

frédéric.

Mon cher Julien ! j’ai été jaloux de toi parce que tu étais bon ! Je t’ai détesté parce que tu avais refusé de faire comme moi ! Pardonne-moi, Julien ! Sois mon ami, mon frère ! Je t’aime à présent. »

Julien se jeta dans les bras de Frédéric.

julien.

Oui, Frédéric, je suis ton ami, ton frère. Je garderai ta place pour ton retour. »

Ils causèrent longtemps encore. Frédéric sentit son cœur soulagé après cette conversation ; sa tristesse se dissipa, et il se raffermit dans ses bons sentiments.