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LES MALHEURS DE SOPHIE.

goûta du bout de la langue, fit une grimace de dégoût et dit à Sophie :

« Où avez-vous pris cette horreur de prétendue crème, mademoiselle ?

sophie, la tête baissée et très honteuse.

Je l’ai faite, maman.

madame de réan.

Vous l’avez faite ! et avec quoi ?… Répondez.

sophie, de même.

Avec le blanc à argenterie et l’eau du chien.

madame de réan.

Et votre thé, qu’est-ce que c’était ?

sophie, de même.

Des feuilles de trèfle et de l’eau du chien.

madame de réan, examinant le sucrier.

Voilà un joli régal pour vos amies ! De l’eau sale, de la craie ! Vous commencez bien vos quatre ans, mademoiselle : en désobéissant quand je vous avais défendu de faire du thé, en voulant faire avaler à vos amies un soi-disant thé dégoûtant, et en vous battant avec votre cousin. Je reprends votre ménage, pour vous empêcher de recommencer, et je vous aurais envoyée dîner dans votre chambre, si je ne craignais de gâter le plaisir de vos petites amies, qui sont si bonnes qu’elles souffriraient de votre punition. »

Les mamans s’en allèrent en riant malgré elles du ridicule régal inventé par Sophie. Les enfants restèrent seuls ; Paul et Sophie, honteux de leur bataille, n’osaient pas se regarder. Camille et Ma-