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LES VACANCES.

avaient étendu par terre d’énormes feuilles de palmier-dattier et de cocotier ; sur une de ces feuilles, larges comme une table, étaient plusieurs noix de coco ouvertes et une espèce de pommes de terre que le Normand avait fait cuire dans de l’eau de mer pour les saler ; une énorme coquille lui avait servi de casserole. Il avait été chercher aussi le tonneau d’eau et nos provisions, et avait rapporté en même temps la coquille et l’eau salée. Mon pauvre père, de son côté, avait travaillé à notre logement, au lieu de se reposer de ses fatigues. Je m’assis à terre entre eux, et nous mangeâmes tous avec un appétit qui faisait honneur au cuisinier. Comme nous achevions notre dîner, un bruit singulier se fit entendre. Mon père se releva d’un bond ; le Normand lui fit signe de ne pas bouger. Ils écoutaient avec une anxiété qui me fit peur. Je me serrai contre le commandant, il se baissa et me dit tout bas : « Ne bouge pas, ne parle pas ; ce sont des sauvages qui débarquent. » Ce mot de sauvages glaça mon sang dans mes veines ; je me voyais déjà mangé avec mon pauvre père et le bon Normand. Le commandant me voyant trembler, chercha à me rassurer par un sourire et me dit encore tout bas : « N’aie pas peur, mon ami ; tous les sauvages ne sont pas si méchants. Mais comme nous ne les connaissons