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LES VACANCES.

mon cher petit sauveur. Pendant que je baignais ma jambe presque entièrement désenflée, Paul courut prévenir les sauvages, qui arrivèrent en toute hâte vers le roi ; ils m’emportèrent, me mirent sur la piqûre je ne sais quelles herbes ; en trois jours je fus guéri. Mais j’avais eu des inquiétudes terribles pour mon pauvre Paul, dont la bouche et la langue avaient enflé énormément. On lui fit mâcher des herbes, manger un certain coquillage, et quelques heures après l’enflure et la chaleur avaient disparu. Voilà un des faits que monsieur Paul s’était permis d’oublier. L’autre maintenant.

« Un soir, je me sentis mal à l’aise ; le chagrin me tuait ; ma femme et mon enfant que je ne devais peut-être jamais revoir, mes inquiétudes sur l’avenir de ce cher Paul, remplissaient mon cœur d’une douleur d’autant plus amère, que je la dissimulais à ce pauvre enfant si plein de tendresse pour moi, si désolé de mes moindres tristesses, si heureux de mes moindres gaietés. Le jour, je dissimulais de mon mieux mon chagrin ; mais la nuit, pendant le sommeil de cet enfant qui m’était devenu si cher, je m’y laissais aller, et j’avoue, à la honte de mon courage de chrétien, que je passais les nuits à pleurer et à prier. Depuis quatre ans que je menais cette vie de misère,