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LES VACANCES.

ma santé avait résisté ; mais au bout de ce temps la force m’abandonna, la fièvre me prit et je tombai malade de ce que nous appelons, en France, une fièvre typhoïde. Pendant soixante-douze jours que dura ma maladie, mon Paul ne me quitta pas un instant ; la nuit et le jour je le trouvais au chevet de mon grabat, épiant mon réveil, devinant mes désirs. Seul il a veillé à tous mes besoins, il m’a soigné avec ce que je puis nommer le génie de l’amour. Il m’avait entendu parler du bien que pouvait faire un vésicatoire ou tout autre moyen d’irriter la peau ; les sauvages avaient une plante qui faisait venir sur la peau des rougeurs et même des cloches quand on l’y laissait longtemps séjourner. Cet enfant de dix ans, me voyant la tête prise, me mit de cette plante sous les pieds, puis aux mollets, puis d’un côté, puis d’un autre, jusqu’à ce que ma tête fût tout à fait dégagée. Pendant deux mois, il continua l’application de cette plante, avec la sagacité d’un médecin, l’interrompant quand j’allais mieux, la remettant quand j’allais plus mal ; il pansait mes plaies avec du gras de poisson frais ; il me changeait de grabat en me préparant à côté du mien une nouvelle couche de feuilles fraîches. Il me coulait dessus petit à petit, d’abord par la tête et les épaules, puis par les jambes. J’étais si faible que je ne