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LES VACANCES.

les femmes Chartier, et l’idée me vient d’ouvrir la huche ; elle était pleine de farine ; je fouille dedans avec le fourreau de mon sabre. Les Léonard crient que je leur gâte leur farine ; je fouille tout de même, et voilà-t-il pas que j’accroche un bout de la toile ; je tire, il en venait toujours. C’était toute la pièce de la mère Martin. Les Léonard veulent s’échapper ; mais les camarades gardaient les portes et les fenêtres. On les prend ; ils se débattent. J’arrête aussi la petite qui crie qu’elle est innocente. Je raconte l’histoire de la toile enfarinée. La petite Léonard se trouble, pleure ; la mère s’élance sur elle et la frappe à la joue ; le père en fait autant sur le dos. Si les camarades et moi nous ne l’avions retirée d’entre leurs mains, ils l’auraient mise en pièces. Tout cela a duré un bout de temps, monsieur ; le monde s’est rassemblé ; il y en a plus que je ne voudrais, car c’est toujours pénible de voir une jeune fille comme ça déshonorée, et des parents qui ont mené leur fille à mal.

— Vous êtes un brave et digne soldat, dit M. de Rugès en lui tendant la main ; le sentiment d’humanité que vous manifestez à l’égard de ces gens qui vous ont accablé d’injures est noble et généreux. »

Le gendarme prit la main de M. de Rugès et la serra avec émotion.