Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/86

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Kermadio, 1871, 5 janvier.

Mon cher petit Jacques, je suis bien sûre que tu m’as écrit pour la nouvelle année, mais je n’ai pas reçu de lettre de toi… Je suis bien inquiète de toi, mon enfant chéri, et bien triste de ne pas te voir ; mon bon temps est passé, le bon temps où je te voyais deux fois par semaine, où je te faisais sortir, où je te savais près de moi. Je prie le bon Dieu pour ton bonheur ; je pense à toi pour ma satisfaction personnelle ; j’espère et j’attends de tes nouvelles ; je demande à Dieu de m’accorder la grâce de te revoir aux vacances à Livet, et je me soumets, du reste, à sa sainte volonté ; seulement, si je meurs loin de toi, sache bien que tu es ma dernière pensée et que je t’envoie ma dernière bénédiction. — J’espère que tu n’es pas gelé à Poitiers comme nous le sommes ici depuis le 30 novembre. Je crains que tu n’aies des engelures…..

Si tu étais ici, tu nous ferais manger du gibier ; il y a des grives en quantité, à en tuer dix ou douze par heure ; des courlis excellents, des bécasses énormes, comme je n’en ai jamais vu, des canards sauvages en quantité et des lièvres énormes. Pierre n’a pas son fusil ; il n’y en a dans la mai- son qu’un seul qui appartient a un jeune domestique qui l’a acheté pour 5 francs ; tu juges ce que c’est qu’un fusil de 5 francs. Adieu, mon petit chéri ; je t’embrasse comme je t’aime, de tout mon cœur. Tous les tiens vont bien.

Grand’mère de Ségur.


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