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Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/111

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pour cela ; mais il va falloir le mettre à l’herbe et le saigner.

— Ça va lui faire mal de le saigner, reprit Jacques pleurant toujours.

— Pour ça non, vous allez voir ; je vais le saigner tout de suite en attendant le vétérinaire.

— Je ne veux pas voir, je ne veux pas voir, s’écria Jacques en se sauvant. Je suis sûr que cela lui fera mal. »

Et il partit en courant. Pendant ce temps, Bouland prit sa lancette, me la posa sur une veine du cou, la frappa d’un petit coup de marteau, et le sang jaillit aussitôt. À mesure que le sang coulait, je me sentais soulagé ; ma tête n’était plus si lourde ; je n’étouffais plus ; je fus bientôt en état de me relever. Bouland arrêta le sang, me donna de l’eau de son, et une heure après me lâcha dans un pré. J’allais mieux, mais je n’étais pas guéri ; je fus près de huit jours à me remettre. Pendant ce temps, Jacques et Jeanne me soignèrent avec une bonté que je n’oublierai jamais : ils venaient me voir plusieurs fois par jour ; ils me cueillaient de l’herbe afin de m’éviter la peine de me baisser pour la brouter ; ils m’apportaient des feuilles de salade du potager, des choux, des carottes, ils me faisaient rentrer eux-mêmes tous les soirs dans mon écurie, et je trouvais ma mangeoire pleine de choses que j’aimais, des épluchures de pommes de terre avec du sel. Un jour, ce bon petit Jacques voulut me donner son oreiller, parce que,