Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/192

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deux vessies autour du cou, et le lança au beau milieu de la petite rivière. Mon malheureux ami, poussé par le courant plus encore que par les perches que tenaient ses bourreaux, était à moitié noyé et à moitié étranglé par la ficelle que l’eau avait resserrée. Il arriva ainsi jusqu’à l’endroit où l’eau se précipitait avec violence sous la roue de l’usine. Une fois sous la roue, il devait nécessairement y être broyé.

Les ouvriers revenaient de dîner, et s’apprêtaient à lever la pale qui retenait l’eau. Celui qui devait la lever aperçut Médor, et s’adressa aux méchants enfants qui attendaient en riant que la pale, une fois levée, laissât passer Médor, et que l’eau l’entraînât sous la roue.

« Encore un de vos méchants tours, mauvais garnements. Eh ! les amis, à moi ! Venez corriger ces gamins qui s’amusent à noyer un pauvre chien. »

Ses camarades accoururent, et, pendant qu’il sauvait Médor en lui tendant une planche, sur laquelle il monta, les autres firent la chasse à ses tourmenteurs, les attrapèrent tous, et les fouettèrent, les uns avec des cordes, les autres avec des fouets, d’autres avec des baguettes. Ils criaient tous à qui mieux mieux ; les ouvriers n’en tapaient que plus fort. Enfin, ils les laissèrent aller, et la bande partit, criant, hurlant et se frottant les reins.

Le sauveur de Médor avait coupé la ficelle qui